Préparez un chapelet de gousses d’ail, un maillet et un pieu, un crucifix, un peu d’eau bénite avant de vous lancer dans la lecture de cet article. Car c’est au royaume des morts vivants, des vampires que je vous convie !
Dimanche 28 Octobre Arte nous réservait un Thema intitulé « Les vampires contre attaquent ».
Le « Dracula, prince des ténèbres » de Terence Fisher en 1966 avec Christopher Lee ne méritait pas les trois « 7 » que lui décernait mon journal télé. Du coup, je me suis demandé s’il en va des livres comme des films, si le temps qui passe les rend parfois un peu plus fadasse. Oui, l’écriture, le style, le vocabulaire, les thématiques évoluent.
En tout cas je m’étais plus régalé la semaine précédente avec « Underworld » de Len Wiseman en 2003 avec Kate Beckinsal qui a joué aussi l’année suivante dans « Van Helsing » un film de Stephen Sommers. On est ici loin du cinéma fantastique et du cinéma d’horreur, c’est du pur film d’action. Idem pour « Blade » avec Wesley Snipes. J’en ai profité pour les revoir tous vite avec les enfants avant de les remettre en carton. Ils finiront sur la Foire à Tout.
Etonnamment c’est l’ambiance de « Nosferatu », le film muet de Murnau de 1922, qui a le plus impressionné mes gamins. Comme quoi, l’esthétique de ce film est toujours efficace ! Certaine œuvre dit-on ne prenne pas une ride ! C’est la même chose pour les livres. C’est pour ça que les classiques méritent qu’on y revienne sans cesse, surtout lorsqu’ils sont à l’origine d’un mythe littéraire.
Comme tout Thema qui se respecte, la chaîne nous entraînait ensuite dans des documentaires sensés développer le sujet. C’est ainsi qu’on a pu découvrir le personnage de Bela Lugosi qui incarna Dracula dans les années 30. Et puis une enquête un peu fastidieuse sur une princesse vampire. Le reportage était mené comme une enquête des Experts ou de Bones. Anthropologues judiciaires, médecin légiste et autres étaient convoqués pour servir de caution scientifique aux investigations d’un historien et d’archéologues autrichiens qui nous faisaient découvrir les étranges pratiques funéraires de cette Europe centrale du milieu du 18ème siècle marquée par des vagues de peurs irraisonnées du vampirisme. Dommage, on ne saura rien de très concret sur le folklore qui a vu naître ces personnages fantastiques.
Bon ! repartons aux sources avec le Dracula de Bram Stoker. C’est un roman classique de la littérature fantastique. Résumé : Jonathan Harker, clerc de notaire londonien, est envoyé en Transylvanie auprès du comte Dracula : le boyard souhaite en effet acquérir une maison à Londres, où il souhaite se rendre prochainement. Mais malgré la politesse de son hôte, le jeune Jonathan se sent terriblement mal à l'aise en sa présence, sans qu'il ne parvienne à définir précisément les causes de son appréhension. Surviennent alors des évènements étranges...
Que sait-on de l’auteur ? Bram Stoker est né à Dublin en 1847. De santé fragile, il a une enfance difficile. Il entre au collège. Et sa première grande passion est pour le théâtre. Il se lance ensuite dans l’écriture : essais, critiques….Il entre en 1890 dans une organisation spiritualiste versée dans la magie « le golden dawn in the outer ». Dans la préface de notre édition, Tony Faivre nous indique « qu’il était pénétré d’ésotérisme, […] qu’il vivait ses idées en véritable adepte, car elles n’étaient pas pour lui simple apport de données objectives et mécaniques, mais expériences senties et authentiques. » Plus loin il ajoute : « Il est certain que tous les individus qui ont participé de façon active à la vie de l’ordre de la Golden Dawn ont été marqués d’une empreinte ineffaçable. Leurs pratiques magiques leur a paru à la fois efficaces et exaltantes ».
Donc pas de surprise si son succès vient avec l’écriture fantastique et l’invention de Dracula. Le roman est édité en 1897. Il lui demande près de dix ans de travail. Il met beaucoup de perfectionnisme dans sa mise en scène qui parfois s’apparente à une étude ethnologique ou folklorique. Le nom même de Dracula est emprunté à Vlad Dracul, un personnage historique, un prince roumain connu dans la légende sous le nom de Vlad l’empaleur qui résista à l’envahisseur turc. Vlad V de Wallachie (1431-1476) était célèbre pour sa cruauté. Il est surtout connu pour avoir fait ériger une « forêt des empalés » aux frontières de son royaume.
Le roman s’appuie aussi sur le fond folklorique de l’Europe orientale qui est le domaine des vampires où ils sont connus sous les noms de brucolaques en Grèce, de vourdalaks en Serbie, de nosferats en Roumanie, oupires en Pologne…Mais le genre vampirique entre en littérature au 19ème siècle avec « La Carmilla » de Joseph Sheridan en 1872 et « Dracula» de Bram Stocker en 1897.
Qu’est-ce qu’on peut dire du genre fantastique ? C’est un prolongement du merveilleux. Il met en scène des évènements qui ne peuvent être expliqués par les lois naturelles. Ici, réel et imaginaire, naturel et surnaturel doivent se rencontrer et se contaminer. Ce qui différencie le fantastique de l’univers merveilleux c’est le mystère. Dans le merveilleux les modes naturels et surnaturels coexistent, cohabitent sans heurts ni conflits. Le conte de fée se déroule dans un monde où l’enchantement va de soi et où la magie est de règle. Donc rien d’épouvantable, rien d’étonnant.
Au contraire, dans le fantastique, le surnaturel apparaît comme une rupture de la cohérence. Le surnaturel devient source d’interrogations, d’hésitations. Il est troublant, menaçant. Il suscite le frisson et la peur.
Autre grande différence entre les deux univers : les contes de fées ont un dénouement heureux et les récits fantastiques se terminent presque toujours de façon sinistre et dramatique.
Quant à l’horreur c’est un genre plutôt cinématographique qui renvoie à des critères esthétiques surtout. En terme d’écriture c’est un récit cauchemardesque qui fait du sur place. L’histoire n’évolue pas. La situation est bloquée et on ne parvient pas à s’en échapper. Le temps est comme suspendu.
En marge du fantastique proprement dit on rencontre des récits d’aberrations scientifiques de quelques savants fous. Et toutes ces histoires liées aux phénomènes paranormaux, dans la mesure où le paranormal est considéré comme une réalité, une croyance par de nombreux auteurs.
Comment fonctionnent les récits fantastiques ? On entre souvent assez rapidement dans le vif du sujet à moins que l’auteur propose un préambule dans lequel le narrateur met le lecteur dans une certaine confidence.
Le récit évolue souvent de façon graduelle. « Le récit après avoir posé les jalons successifs, s’achève au point culminant de l’histoire, au moment de l’irruption de l’insolite, de l’émergence de l’inexplicable ». On parle aussi souvent de composition en ligne brisée. Ici, le surnaturel frappe à intervalles plus ou moins réguliers, souvent de plus en plus forts, pour aboutir à la folie ou à la mort.