Dans son « Secret d’histoire » intitulé « Robin des Bois a-t-il vraiment
existé ? » Stéphane Bern et ses invités tentent de lever le voile sur un mythe littéraire.
Création de romancier ou personnage historique, voilà bien une énigme digne d’intérêt.
Alors ?
Robin des Bois apparaît dans des chroniques et des annales du moyen âge et plus précisément
dans une ballade du 15ème siècle dont l’action se situait quelques décennies plus tôt dans l’Angleterre du 13ème siècle, celle des célèbres Richard cœur de lion et Jean sans
terre.
Les premiers textes sont assez frustres, Robin des bois y apparaît sous les traits d’un
rebelle, bagarreur, agressif, violent, voir cruel ! Cela s’estompe peu à peu pour donner vie au 17ème siècle au justicier que l’on connaît désormais, le héro au grand cœur qui vole les
riches pour donner aux pauvres. En cela il annonce d’autres hors la loi bien sympathiques tels que Mandrin, cartouche…
Le contexte même dans lequel se situe l’intrigue est bien trouble. Richard cœur de lion succède
à son père Henri II sur le trône d’Angleterre mais il part pour longtemps guerroyer en France d’abord, puis en Terre sainte, dont il ne reviendra qu’au terme d’un long emprisonnement et au prix
d’une lourde rançon. Jean sans terre fait l’intérim, avec le roi de France Philippe Auguste, il a tout intérêt à ce que son frère ne remette jamais les pieds en angleterre.
C’est la trame d’Ivanhoé, le roman de Walter Scott repris au cinéma par Richard Thorpe avec
Robert et Elisabeth Taylor. Walter Scott transposait dans ce récit une certaine vision nationaliste puisque Ivanhoé et Robin des bois incarnent en quelque sorte la résistance des saxons face aux
envahisseurs normands.
Au-delà du contexte proprement politique, c’est la société féodale qui est en cause. A l’époque
le peuple est pressuré d’impôts, victimes des famines et de la peste. Les jacqueries sont nombreuses et sont les soubresauts de mécontentement. Elles sont propices à la naissance de héros
populaires, nécessairement rebelle à l’ordre et aux injustices du régime.
C’est en cela que les historiens peuvent prétendre que le héro littéraire est né d’un substrat
historique mais personne ne peut attester qu’il y ait quelque relation que ce soit avec des outlaw célèbres tel que Robert Hood ou autre, d’autant plus que Robin Hood devient un surnom très
répandu. [Attention : hood (capuche) et pas wood (bois). Il y a une erreur de traduction due à une homophonie et au rapprochement avec Sherwood, la forêt qui est sensé abriter robin et ses
compagnons] Les historiens ont beau chercher des corrélations avec des personnages réels, rien de très convainquant n’en est sorti et l’on peut penser qu’une relation directe serait apparue
depuis longtemps déjà.
Les principaux personnages du récit sont des archétypes, comme dans les contes et légendes,
l’aventure s’articule autour de personnages codifiés et d’actions héroïques au terme desquelles la justice, si l’on peut dire, est sauve : c’est la restauration de Richard cœur de lion, le
roi légitime. Quant au héro, noble déchu de ses titres, il retrouve sa place dans le concert féodal en épousant la belle Marianne.
Robin des bois, d’abord, est un héro populaire, un homme du peuple, un archer à la manière de
Guillaume Tell. Au fil du temps pour s’adapter au public noble, on lui prête des origines nobles. Il vit dans la forêt de Sherwood, un refuge pour tout un monde de hors la loi, une communauté en
marge de la société féodale, une bande de braconniers qui vit sur la chasse gardée du roi. Il lutte contre les injustices et l’oppression en bafouant l’autorité du shérif de Nottingham, une sorte
de percepteur aux pouvoirs élargis puisqu’il fait régner la justice. Robin des bois ne manque pas d’humour et de nombreuses parodies forcent le trait. Il est comparé au renard qui joue des tours
à l’autorité et la ridiculise. C’est d’ailleurs sous ses traits que Walt Disney a choisi de le représenter.
Marianne apparaît tardivement avec la naissance du théâtre élisabéthain qui s’adresse à une
noblesse qui ne peut évidemment pas se projeter dans une farce populaire.
Frère Tuck est aussi un personnage important, c’est la figure transgressive, évidemment, du
religieux, bon vivant et ripailleur.
Les frères Richard et Jean figurent la lutte du bien contre le mal, de l’idéologie de la
chevalerie, de la légitimité contre la manipulation, l’injustice….
Au 20ème siècle c’est le cinéma qui a définitivement popularisé le personnage et
fixé des contours un peu plus définitifs avec Douglas Fairbanks, puis Errol Flynn et enfin Kevin Costner. Le dessin animé de Walt Disney aussi a connu un succès retentissant. Le personnage a une
extraordinaire plasticité. Il est universel et transposable.
Aujourd’hui de nombreuses marques s’emparent des vertus marketing de Robin des bois. De
nombreuses associations aussi. Là ce sont ses valeurs alternatives qui font mouches.