Le péplum a été un genre très à la mode dans les années 50-60 avec des fresques antiques, épiques ou bibliques, telles que celles de Cécil B De Mille : Cléopâtre (1934) et Les dix commandements (1956) notamment mais encore avec d’autres super-productions telles que Samson et Dalila, Ben-Hur, Spartacus, j’en passe, des meilleurs et des navets.
Gladiateur d’abord et depuis, Troie et récemment Alexandre le Grand sont l’occasion de revisiter l’antiquité avec des moyens techniques actuelles et de lui redonner un peu de fraîcheur en lui prêtant finalement des intentions politiques bien contemporaines.
Mais peut-on et doit-on regretter que les scénaristes et metteurs en scène jouent ainsi avec le texte d’Homère ? D’autres avant eux s’étaient déjà emparés de cette mythologie pour en tirer d’autres enseignements. C’est ainsi que l’Iliade d’Homère sert de support à la pièce de Jean Giraudoux « La guerre de Troie n’aura pas lieu ». Avant lui, un autre homme de théâtre, Racine, s’emparait de l’antiquité comme toile de fond à ces tragédies, c’est le cas d’Andromaque que les plus jeunes n’ont sûrement pas eu au programme.
Commençons par Homère. C’est un aède, c'est-à-dire un poète, du 8ème siècle avant Jésus Christ. La tradition veut qu’il ait été aveugle. On lui attribue évidemment la paternité de l’Iliade et de l’Odyssée ainsi que « La bataille des grenouilles et des rats » - une parodie de l’Iliade et des Hymnes. De manière générale, dans l’antiquité, le nom d’Homère était associé à la poésie épique.
L’aède a un rôle de médiateur c’est un conteur, un poète chanteur qui puise dans un répertoire ancien et improvise de manière plus ou moins créative. En tout cas, la composition de l’Iliade paraît plus élaborée que n’importe quel autre poème transmis par la tradition orale, même si le texte que nous connaissons a fait l’objet d’une transcription et de découpages tardifs.
L’Iliade rapporte quelques épisodes de la guerre de Troie. Hélène, l’épouse du roi de Sparte a été enlevée par Pâris, un prince troyen. Les grecs lancent une expédition et assiègent la ville pour l’affaiblir.
Le récit met en scène des héros grecs - Achille, Agamemnon, Ménélas, Ulysse, Ajax, Patrocle – et troyens – Hector, Priam, Pâris, Enée – qui s’affrontent sous les auspices des Dieux. D’une certaine façon ont peut parler de solidarité dans l’exploit.
La guerre s’enlise et c’est par la ruse que les grecs prennent finalement la cité. Sur les conseils d’Ulysse, ils font mine de lever le siège et laisse sur la plage un cheval en offrande à Poséidon. La suite, on la connaît…
Jean Giraudoux transpose le mythe et l’actualise. La pièce est crée en 1935. Le titre lui-même interpelle le lecteur : la guerre de Troie n’aura pas lieu. D’abord, c’est une phrase et pas un titre. C’est une affirmation péremptoire mais c’est surtout une contre vérité puisqu’on sait qu’elle aura bien lieu !
Troie est menacée par la guerre. Ses partisans attisent les passions nationalistes tandis que les pacifistes tentent de l’éviter à tout prix. Compte tenu de la période et de la montée du nazisme, on sent bien l’acuité du regard que l’auteur porte sur la politique et ce qu’il y a de prophétique dans cette pièce. La seconde guerre mondiale aura bien lieu…Pour ceux que cela intéresse, nous avons même une étude sur la pièce de Jean Giraudoux dans la collection Profil d’une œuvre je crois.
Pour en revenir au film, l’histoire s’arrête avec la mort d’Achille et la fuite de la femme d’Hector et de son bébé. Ce qu’il advient d’eux est le thème d’une tragédie de Racine que les anciens ont dû étudier à l’école. Ce serait étonnant qu’elle soit toujours au programme ! La tragédie classique n’est plus à l’honneur, c’est l’occasion de la réhabiliter un peu.
En 2 mots, après la guerre de Troie, Hector mort, sa femme Andromaque, échoit comme esclave à Pyrrhus, fils d'Achille. Mais en principe Pyrrhus doit épouser Hermione, fille de Ménélas roi de Sparte… La structure de la pièce est celle d'une chaîne amoureuse à sens unique : Oreste aime Hermione, qui veut plaire à Pyrrhus, qui aime Andromaque, qui aime son fils Astyanax et son mari Hector qui est mort. L'arrivée d'Oreste à la cour de Pyrrhus marque le déclenchement d'une réaction en chaîne qui conduit à la déchéances des uns et des autres : suicide, folie, homicide.
Le théâtre classique atteint sa perfection avec Racine. Ces pièces paraissent modernes en cela qu’elles font coexister action et lamentation. Les ressorts de son œuvre sont la tragédie et le drame, la poésie et l’action. L’auteur fait peser sur ses personnages le poids des passions qui les consument. Le spectateur est sous l’emprise d’un suspens dont il est le seul à connaître déjà l’issue. Ici, le malheur s’évalue à la mesure de ce que l’on pensait être le bonheur idéal : majesté, prestige, amour exaucé, pureté.